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La Cave du Théâtre
La Cave du Théâtre
29 mars 2025

Visite à la Distillerie Volcanique

 

 

Visite à la Distillerie Volcanique à Brassac-les-Mines

 

 

 

 

Si le nombre de domaines qui s’installent en Auvergne est en pleine explosion, il en va de même pour les distilleries et liquoristeries. Parmi celles-ci, une à particulièrement retenu mon attention : la Distillerie Volcanique de Quentin Sicard à Brassac-les-Mines, pour sa démarche authentique, avec une mise en avant au maximum, dans la mesure du possible, du bio et du local.

 

Après des études d’œnologue et d’agronome, Quentin a travaillé de nombreuses années à Cognac avant de revenir dans son Auvergne natale… En parallèle, il est aussi formateur pour les étudiants en DNO (diplôme national d'œnologie). 

 

Il s’est installé en 2021 dans un local qu’il loue à la mairie de Brassac. S'il est très pratique et fonctionnel, le chai est sec, avec une grosse part des anges en été, ce qui concentre les alcools. Sur le long terme, si une opportunité se présente, bien sûr qu’il aimerait devenir propriétaire d’un local, plus haut en altitude, plus ergonomique, mais avec la même qualité d’eau. Ce serait aussi un moyen d’avoir un statut agricole…



Le secteur n’a pas été choisi au hasard. C’est l’approvisionnement en eau qui a été le facteur déterminant. Ici, l’eau provient du Luguet dans le Cézallier, elle est particulièrement adaptée à la distillation car peu minéralisée. En effet les roches volcaniques (les fameuses Scories) retiennent le calcium et le magnésium. 


 

 

La fabrication du whisky

 

Le malt est réceptionné en grains entiers, il est concassé au dernier moment.

 

L’empâtage est réalisé en mono-palier dans une grande cuve.

 

Après brassage manuel, l’ensemble de la cuve d’empâtage est transféré dans un pressoir viticole. Le moût fermentescible est pompé en cuve de fermentation et les drêches pressées sont valorisées en alimentation animale.

 

La fermentation alcoolique (aidée par des levures spéciale whisky de chez Lallemand Distilling) dure environ 60 heures. Le wash obtenu titre environ 8% vol. 

 

L’alambic (capacité 900L) est chargé à 600L. Chauffe naturelle, gaz nu. Les "têtes et les queues" sont coupées à dégustation. En sortie d’alambic le cœur de chauffe titre environ 82%.

 

 

L’alambic a été fabriqué sur mesure par l’atelier Lagorsse en Dordogne, une sorte d’hybride entre l’alambic continu de l’Armagnac et l’alambic à repasse du Cognac. Ici, il n’y a qu’une seule « passe » ou distillation (comme en Armagnac), mais sans les plateaux de barbotage des vapeurs d’alcool dans le vin frais (en cela, comme à Cognac). Les jus qui sortent de l’alambic sont à un degré d’alcool plus proche de celui de cognac que celui d’armagnac (qui est moins élevé). Le but est d’obtenir des eaux-de-vie concentrés tout en gardant de la finesse.

 

Réduction lente au degré souhaité avec l’eau locale, d'abord à 70% avant mise en fût. Quentin prête une grande attention au choix du tonnelier, au type de bois, et surtout au type de grain. Il possède pour le moment des fûts de chauffe moyenne/chêne grain fin du Centre, des fûts chauffe moyenne/chêne gros grain des Vosges, un fût chauffe forte gros grain des Vosges et un fût de chêne américain. Le but est d’expérimenter mais aussi d’obtenir une forme de complexité après mise en masse des différents fûts.

 

 

Les premiers whiskys, millésimés 2022, sortiront en fin d’été 2025 probablement, après 40 mois d’élevage environ. Il devrait y avoir un fût de chêne neutre, un fût ayant contenu de la liqueur de raisins, un fût ayant contenu du gamay/pinot de Boudes, un fût de chardonnay de Boudes.  Une partie continuera son élevage en fût quelques années de plus !  

 

 

 

Un projet est en cours pour planter de l’orge, mais ce n’est pas simple... Il faut absolument une orge à whisky « No GN », c'est-à-dire non productrice de glycosidique-nitrile, substance très probablement cancérigène à partir d’un certain taux (une Loi devrait passer d’ici peu dans l’UE).

 

En attendant, l’orge à whisky utilisée est la Lauréate (No GN bien sûr) cultivée en Poitou-Charentes puis maltée aux malteries Soufflet. Pour le Drolle classique un petit pourcentage d’orge tourbé à 25ppm est utilisé, il ne se sent pas vraiment mais il « relève » la finale. Un 100% tourbé devrait voir le jour bientôt.

 

 

 

 

Dégustation


La gamme est désormais déclinée en 3 étiquettes distinctives : Distillerie des Scories pour les eaux-de-vie, Liquoristerie volcanique pour les liqueurs et Eruption pour une gamme où se retrouvent à la fois des spiritueux distillés et des liqueurs. Distillerie des Scories crée dès le départ est la gamme premium tandis qu’Eruption qui vient d’être lancée est une gamme plus facile d’accès.

 


Eruption Alambic, Gin : (genièvre d'Italie) un gin très classique, très marqué genièvre, un côté violette/lavande également, avec du punch, alcool bien intégré. Bien fait, mais plus simple que le suivant. 


Eruption Alambic, Vodka : une vodka de blé français, à venir bientôt


Eruption Liqueur, Verveine citronnée : une liqueur avec les plantes bio de la SICARAPPAM, à venir bientôt.

 


Distillerie des Scories, Originel London Dry Gin : (alcool surfin à 96% à base de blé. Baies de genévrier et feuilles de verveine citronnée provenant toutes deux de la coopérative locale SICARAPPAM à Aubiat, certifié bio. Les plantes sont mises à macérer séparément en cuves inox. Puis l’ensemble des deux cuves, les macérats liquides + les baies et les feuilles sont mis à distiller en phase liquide/solide (plus complexe qu’une distillation en phase liquide seule). En sortie d’alambic le cœur de chauffe titre à 85% environ. Réduction lente pendant 2 mois environ à 42% avec l’eau locale)  On sent clairement l'influence de la verveine citronnée, le genévrier reste présent dans le fond, subtilement, la bouche arrive à combiner une sorte de gourmandise et de rondeur avec une finale sur la fraîcheur des plantes et du citron. Très digeste pour 42%. Un des tout meilleurs gins que j'ai pu goûter, qui en plus présente une vraie originalité et une touche locale.


Distillerie des Scories, Vodka citron désormais appelé Nhola-Eau de vie de citron : (macération des écorces de citron dans de l'alcool surfin. Puis distillation du macérat + des écorces. Réduction à 42% avec l'eau locale)  une eau-de-vie qui mise sur la fraicheur, assez simple derrière le gin, très citronnée, presque facile à boire, un côté rafraîchissant.


Distillerie des Scories, Rhum blanc Le Carreau : (mélasse bio achetée au Paraguay, fermentation 5 jours, donc assez longue pour aller chercher un peu d’esters. Fin de fermentation alcoolique à 10-11% vol. avant distillation. Puis réduction lente pendant 2 mois en cuves inox à 50%)  un rhum blanc qui rappelle un peu les Clairin de Velier, avec des extraits secs, du fruit exotique sans exubérance, du corps, pas trop sucré (zéro ajout de sucre), sans manquer de gourmandise.


Distillerie des Scories, Le Drolle Pur Malt 49% : (6 mois fûts neufs sur cette version) Couleur or, un nez bien sûr malté/céréalier, mais aussi pâtissier, avec des notes de crème vanillée également et quelques fruits jaunes. La bouche est intense, la dilution à 49% semble un bon compromis, il a gardé du punch, une texture épaisse, sans brûlure de l'alcool, il est même plutôt gourmand, avec ses notes de crème brûlée, de vanille et de céréales. La finale est longue, un peu plus sèche et austère que le milieu de bouche, ce qui permet de donner un peu plus d'allonge et un certain caractère. Vraiment complexe pour un 6 mois d'élevage. Déjà beaucoup de plaisir et très prometteur pour la suite.


Distillerie des Scories, Le Drolle brut de fût 70% : le nez est bien sûr plus discret à ce degré d'alcool-là, quelques gouttes devraient suffire à l'ouvrir, la bouche est bien sûr plus puissante, encore plus grasse, moins gourmande, moins vanillée, un peu plus austère, j'ai même l'impression de sentir une petite pointe tourbée, par contre beaucoup plus longue. A réserver aux amateurs de "cask strenght".


Distillerie des Scories, Fine de Bayard Eau-de-vie de Vin : (base de tressallier du domaine de la Fontaine à Saint-Pourçain + des lies de chardonnay des Côtes d’Auvergne. 4 mois en vieux fûts pour la laisser respirer sans la boiser) une fine vive et fruitée, avec la "tension" du tressallier et le côté aromatique du chardonnay. Elle me semble plutôt adaptée aux cocktails, en tout cas par comparaison au Drolle bu juste avant.

 


Liquoristerie volcanique, Liqueur de raisin : (achat en Charentes où Quentin a gardé beaucoup de contacts. C'est la même méthode que pour un ratafia champenois : mutage du jus de raisin frais (cépage Montils) avec une eau-de-vie de vin vieillie 1 an) Le nez fait penser à un vin liquoreux, on ne sent pas trop le marc ici, mais plutôt le coing, l'abricot. La bouche est très bien équilibrée entre sucre et acidité, il semble bien moins élevé en alcool qu'il ne l'est réellement. Beaucoup de finesse sur ce "ratafia".


Liquoristerie volcanique, Liqueur de framboise : (framboises locales ici) une liqueur façon Scories, épaisse, non filtrée, avec beaucoup de pulpe, où on a l'impression de croquer dans des fruits frais. Là aussi, ça se boit très facilement, un peu trop peut-être.

 

A venir très vite : une liqueur d’abricot et une liqueur de fruits rouges.
 

 

 

 

Un grand bravo à Quentin pour son initiative, ses convictions, et la qualité de son travail. Car si se lancer comme vigneron en 2025 n'est pas une partie de plaisir, c'est tout aussi compliqué pour un distillateur, voire peut-être même plus car il y a la contrainte du temps ici.

 

Une employée, Sophie, vient juste de rejoindre Quentin, la charge de travail étant trop importante, surtout sur les fortes périodes de distillation (fin automne-début printemps) où il est devenu impossible de distiller 7 jours sur 7 et d’assurer la partie commerciale en même temps.

 

L'autre difficulté majeure est que le monde des spiritueux manque de règles strictes à l’heure actuelle. Un gin français peut par exemple être produite avec des céréales achetées en Europe de l’Est et avec des baies de genièvre provenant majoritairement des Balkans… Le coût de production d’un spiritueux local est très nettement supérieur. L'effort de transparence de Quentin sur tous ses produits dans ce contexte-là mérite d'être salué.

 

En parallèle, il s’engage comme formateur pour les étudiants en DNO (diplôme national d'œnologie). Afin de transmettre son savoir-faire et ses valeurs. 

 

 

Souhaitons-lui bon courage pour la suite. Rendez-vous est pris dans quelques mois pour déguster de grands whiskys auvergnats !

 

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